boutique Alltricks
acquisition de Brose par Yamaha

Dans un mouvement stratégique majeur pour l'industrie du vélo électrique, l'équipementier allemand Brose a annoncé la cession de sa division de moteurs pour vélos électriques au géant japonais Yamaha. Cette transaction, qui devrait être bientôt finalisée sous réserve de l'approbation des autorités de la concurrence, marque un tournant significatif dans le paysage des fabricants de systèmes de propulsion pour vélos à assistance électrique.

Un réalignement stratégique pour Brose

Le groupe allemand Brose, connu principalement pour ses composants automobiles, a décidé de se recentrer sur ses activités principales. Selon Raymond Mutz, Vice-président exécutif de la division Drives du groupe Brose : "Nous sommes convaincus que Yamaha offre les meilleures conditions pour développer avec succès cette activité." Cette déclaration, issue du communiqué de presse officiel de l'entreprise, souligne la confiance de Brose dans la capacité de Yamaha à poursuivre le développement de cette branche d'activité.

Stefan Krug, PDG de Brose, a précisé au journal allemand Süddeutsche Zeitung que "la vente de la division vélos électriques à Yamaha fait partie d'un réalignement stratégique". Il a ajouté : "Nous souhaitons nous repositionner et nous concentrer sur nos compétences clés dans les secteurs de l'automobile et des deux-roues motorisés", pointant également une "saturation" du marché et la baisse des ventes de vélos électriques comme facteurs contribuant à cette décision.

Les détails de la transaction

Si l'accord a été signé le 27 mars 2025, la vente reste soumise à l'approbation des autorités de la concurrence. Selon les informations disponibles, Yamaha Motor eBike Systems GmbH reprendra l'ensemble des activités de conception et de fabrication de systèmes d'entraînement pour vélos électriques de Brose. Le montant de la transaction n'a pas été révélé publiquement.

Le site de fabrication des moteurs pour vélos électriques de Brose, situé à Wurtzbourg en Allemagne, ne serait pas directement concerné par la vente. En effet, Brose continuera de fabriquer des systèmes pour Yamaha pendant une période transitoire pouvant aller jusqu'à deux ans. Cette transition progressive permettra d'assurer la continuité de la production et de l'approvisionnement pour les clients actuels.

Les ambitions de Yamaha

Pour Yamaha, cette acquisition représente une opportunité stratégique de renforcer sa position sur le marché européen des systèmes de propulsion pour vélos électriques. Le fabricant japonais prévoit d'utiliser les ressources de développement de Brose dans le secteur du vélo électrique pour optimiser la conception de nouveaux produits.

Selon le communiqué officiel, Yamaha envisage également d'établir sa propre base de développement en Europe. Cette implantation lui permettrait de mieux reconnaître les exigences du marché, de répondre avec plus de flexibilité aux demandes des clients locaux et d'attirer de nouveaux clients. En outre, l'entreprise japonaise souhaite renforcer ses approvisionnements sur le marché européen clé et améliorer davantage son efficacité opérationnelle.

Il est important de noter que Yamaha a déjà ouvert sa première usine de production de moteurs en Europe, plus précisément en France, en mars 2024. Cette usine, située à Saint-Quentin Rouvroy dans l'Aisne, produit actuellement entre 350 et 400 moteurs Yamaha PW-S2 par jour, avec un objectif de production annuelle de 300 000 moteurs. L'acquisition de la division de Brose s'inscrit donc dans une stratégie d'expansion européenne déjà bien engagée.

Impact sur les fabricants de vélos électriques

Cette transaction aura des répercussions significatives pour plusieurs grands fabricants de vélos électriques qui utilisent actuellement les moteurs Brose. Parmi eux, deux acteurs majeurs sont particulièrement concernés : Decathlon et Specialized.

Decathlon

Le géant français du sport utilise les moteurs Brose sur de nombreux modèles de vélos de ville et VTT, comme le Rockrider E-EXPL 520 S ou le biporteur Btwin Vélocargo F900E. Cependant, Decathlon a déjà diversifié ses sources de motorisation dans ses gammes de vélos électriques. On retrouve ainsi des moteurs moyeu sur les vélos d'entrée de gamme, des moteurs Yamaha sur les modèles de milieu de gamme (comme le Rockrider E-ACTV 500) et même des moteurs Shimano sur les VTTAE tout suspendu (Decathlon Rockrider E-FEEL 700 S).

Decathlon développe également son propre moteur Owuru (en collaboration avec E2Drive), qui intègre un système de variation continue pour gérer la vitesse du vélo. Ce moteur, bien que très prometteur, est pour l'instant réservé aux modèles haut de gamme de la marque.

Specialized

La situation est plus délicate pour Specialized, dont la quasi-totalité des vélos électriques est équipée de moteurs Brose. Si la production de ces moteurs ne sera pas arrêtée du jour au lendemain grâce à la période de transition, rien ne garantit que Yamaha continuera à produire les moteurs à courroie caractéristiques de la marque allemande à long terme.

Specialized pourrait donc être amenée à se tourner vers les moteurs Yamaha, qu'elle pourrait utiliser sous sa propre marque, à l'instar de Giant avec ses moteurs SyncDrive (qui sont en réalité des moteurs Yamaha utilisant un logiciel Giant). Cette transition pourrait représenter un défi technique et marketing important pour la marque américaine.

L'avenir des moteurs Brose

L'une des questions en suspens concerne l'avenir de la ligne de produits Brose. Le fabricant prévoyait notamment de lancer pour 2026 le Brose Drive3 Peak, son premier moteur 48 volts. Ce lancement semble désormais compromis, à moins que la technologie ne soit reprise et développée par Yamaha.

Les moteurs Brose se distinguent par leur système d'entraînement à courroie, qui offre un fonctionnement particulièrement silencieux et une sensation de pédalage naturelle, très appréciée par certains utilisateurs. Il reste à voir si Yamaha conservera cette caractéristique technique ou privilégiera ses propres solutions technologiques.

Un marché en évolution

Cette acquisition s'inscrit dans un contexte plus large d'évolution du marché des vélos électriques. Après plusieurs années de croissance explosive, le secteur connaît actuellement une phase de stabilisation, voire de légère contraction dans certains segments, comme l'a souligné Stefan Krug en évoquant une "saturation" du marché.

Les différents acteurs du secteur se positionnent différemment en termes d'ouverture de leurs écosystèmes. Yamaha offre généralement plus de latitude aux fabricants de vélos, leur permettant d'utiliser leurs propres batteries et écrans avec les moteurs Yamaha. À l'opposé, Bosch propose un écosystème complètement fermé, ce qui est avantageux pour les fabricants qui souhaitent s'appuyer sur l'expertise et le service de Bosch, mais plus contraignant pour ceux qui disposent des compétences pour optimiser l'assistance et la gestion de la batterie.

Shimano semble également assez fermé, bien que certains fabricants comme Orbea aient réussi à adapter le moteur Shimano à leurs besoins spécifiques, comme en témoigne le Shimano EP6/EP8 RS (Rider Synergy) présent sur le VTTAE tout suspendu léger Orbea Rise et le gravel électrique Orbea Denna.

Conclusion

La cession de la division moteur de Brose à Yamaha représente un mouvement stratégique important dans l'industrie du vélo électrique. Pour Brose, il s'agit de se recentrer sur ses activités principales dans l'automobile et les deux-roues motorisés. Pour Yamaha, cette acquisition renforce sa présence sur le marché européen et complète sa stratégie d'expansion déjà engagée avec l'ouverture de son usine française.

Les conséquences pour les fabricants de vélos électriques et les consommateurs restent à préciser, notamment concernant la continuité des caractéristiques techniques spécifiques des moteurs Brose. La période de transition de deux ans devrait permettre une adaptation progressive, mais des changements sont à prévoir dans les gammes de vélos électriques équipés de ces moteurs dans les années à venir.

Cette transaction illustre également les dynamiques de consolidation à l'œuvre dans un marché du vélo électrique qui, après une phase de croissance rapide, entre dans une période de maturation et de restructuration.

Business et actualités du marché du vélo

audience