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Giant se heurte aux États-Unis

Le géant taïwanais Giant, premier fabricant mondial de vélos, traverse une tempête politico-économique sans précédent. Depuis fin septembre, les États-Unis ont suspendu l'importation de ses vélos et pièces détachées, invoquant des soupçons de travail forcé dans certaines usines. Une décision lourde de conséquences pour l'industrie… et peut-être bientôt pour nos garages.

Une décision radicale des autorités américaines

Le 24 septembre 2025, la CBP (Customs and Border Protection) a émis une Withhold Release Order (WRO) contre Giant Manufacturing Co. Ltd.

Concrètement : tous les produits Giant arrivant aux ports américains sont bloqués — cadres, pièces, vélos complets ou équipements. La mesure s'applique également aux produits fabriqués par Giant pour d'autres marques, élargissant considérablement l'impact de cette décision.

Le motif ? Des « informations crédibles » laissant penser que certains ouvriers migrants à Taïwan auraient été employés dans des conditions assimilables à du travail forcé. Selon la procédure, les cargaisons concernées ne sont pas immobilisées mais retournées à leur origine ou détruites si Giant ne parvient pas à prouver leur conformité.

La réponse de Giant

Giant, de son côté, conteste fermement ces accusations. Dès le 25 septembre, le groupe a publié un communiqué officiel réaffirmant son engagement envers les droits humains et annonçant le lancement d'une procédure de pétition auprès des autorités américaines pour faire lever la mesure.

L'entreprise affirme qu'aucune enquête officielle n'a été menée dans ses usines, qu'aucune inspection n'a eu lieu avant cette décision, et qu'elle collabore désormais activement pour démontrer sa conformité via des audits indépendants.

Le gouvernement taïwanais s'est d'ailleurs saisi du dossier, estimant que cette suspension a aussi une dimension politique dans le contexte des tensions sino-américaines et de la position stratégique de Taïwan.

Une onde de choc dans l'industrie du vélo

Pénurie annoncée sur le marché américain

Pour les revendeurs et importateurs américains, c'est la panique. Les stocks fondent à vue d'œil et les nouvelles livraisons sont impossibles tant que la WRO reste en vigueur.

Les modèles phares — notamment dans les gammes VTT Giant et Liv — risquent de devenir introuvables sur le marché US dans les prochaines semaines.

Résultat immédiat : hausse des prix sur les modèles équivalents d'autres marques, notamment Specialized, Trek et Canyon. Les consommateurs américains risquent de payer plus cher, tandis que certains distributeurs pourraient purement et simplement suspendre leurs ventes faute de produits.

Répercussions sur la chaîne mondiale

Même si Giant reste très présent en Europe et en Asie, une fermeture prolongée du marché américain pourrait déséquilibrer toute la filière :

  • Baisse des volumes produits → hausse des coûts unitaires
  • Redirection de stocks → tension logistique
  • Pression sur les sous-traitants et usines d'assemblage

À moyen terme, les fabricants vont devoir diversifier leurs sources d'approvisionnement, voire relocaliser une partie de la production. Une tendance déjà amorcée après la pandémie et la crise logistique de 2021-2022.

Des précédents qui font réfléchir

L'affaire Giant n'est pas isolée. Les États-Unis ont déjà pris des mesures similaires contre d'autres industries :

  • Le solaire, avec le blocage d'importations de panneaux soupçonnés d'utiliser du silicium extrait sous contrainte
  • Le textile, via l'interdiction du coton en provenance du Xinjiang chinois

Dans ces deux cas, les sanctions ont provoqué une flambée des prix, une restructuration des chaînes d'approvisionnement, et des coûts de conformité massifs pour les entreprises.

Si le scénario se répète, le marché du vélo pourrait connaître le même effet domino : délais plus longs, marges réduites, et hausse générale des tarifs pour le consommateur.

Et pour nous, vététistes ?

Pour le moment, l'Europe n'est pas concernée par cette suspension, mais les répercussions indirectes sont possibles :

  • Certains composants produits par Giant (ou ses filiales Cadex et Liv) pourraient devenir plus rares si l'entreprise réorganise sa production
  • Les marques concurrentes profiteront de l'aubaine pour gagner des parts de marché — et peut-être augmenter légèrement leurs tarifs
  • Les revendeurs européens pourraient aussi subir des retards de livraison si Giant redirige ses stocks vers d'autres marchés prioritaires

Bref, même depuis nos sentiers français, cette affaire n'est pas anodine. Elle illustre à quel point notre passion pour le VTT repose sur une économie mondialisée fragile, où les tensions politiques et éthiques s'invitent jusque dans nos pédaliers.

Ce que l'avenir réserve à Giant

Trois scénarios sont possibles :

1. Levée rapide de la suspension – Si Giant prouve sa conformité via des audits indépendants et le processus de pétition, la crise sera surtout symbolique mais aura marqué les esprits.

2. Blocage prolongé – Plusieurs mois de suspension fragiliseraient ses ventes US (environ 15-20% du marché mondial), au profit de concurrents directs.

3. Repositionnement industriel – Giant pourrait délocaliser certaines lignes d'assemblage vers d'autres pays pour rassurer les marchés occidentaux et diversifier ses risques géopolitiques.

Dans tous les cas, cette affaire pourrait devenir un tournant pour l'industrie du vélo, poussant les marques à renforcer leurs contrôles sociaux et environnementaux.

En conclusion

L'affaire Giant dépasse largement la simple querelle commerciale : elle mêle géopolitique, éthique et industrie du sport. Pour nous, vététistes, c'est un rappel que derrière chaque cadre carbone ou dérailleur de précision se cache une chaîne humaine et politique mondiale.

Et si cette crise provoque, à terme, une production plus transparente et responsable, alors peut-être que cette épreuve aura servi à quelque chose.

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